L'hospice
Ils étaient tous là. Presque tous. Ils ne faisaient rien. Assis sur leur chaise ou dans leur fauteuil habituel, ils semblaient regarder sans voir, la tête légèrement baissée comme si le cou ne la supportait plus. Lorsque je suis entré, tous les regards se sont dirigés vers moi. Tous avaient la même expression. Tous semblaient dire : Tu viens me voir enfin ? Pas un sourire, pas une seule petite étincelle de joie. La tristesse, comme un orage, rendait l’air étouffant, pesant. Leur regard était gris, absent ou résigné. Leur corps même les avait abandonnés depuis longtemps déjà. Mon ancienne voisine ne m’a pas reconnu immédiatement. Elle leva la tête à mon approche et me scruta dans un léger tremblement convulsif. Ses mains étaient raides et déformées ; elle me tendit la droite que je gardai dans la mienne le temps qu’elle se souvienne. Cet échange fut si intense que je pris une chaise pour m’assoir à coté ; nous sommes restés main dans la main sans même s’en rendre compte. Tous les autres pensionnaires ont à nouveau baissé la tête comme si le fil qui les retenait, venait d’être coupé. Je ne venais que pour elle.