Le titre pourrait faire penser à une fable. Pourtant, pour qui sait lever la tête, ce qui, je le reconnais n’est pas conseillé en toutes circonstances, certains alignements sont parfois esthétiques, mais pas forcément cocasses. Je m’explique : D’abord attiré par le graphisme des lignes et des courbes de l’ensemble, c’est en regardant de plus près qu’une autre interprétation de l’image m’est apparue. La croix qui semble se tendre vers la lumière… éteinte. Saura-t-elle la rallumer ? Cela pourrait effectivement être le début d’une fable.

Un champignon ? Une fleur ? Que nenni ! Une cabane. C’est vrai qu’on la croirait sortie de terre naturellement. Si parfaitement bien intégrée au paysage, à la quiétude de l’endroit qu’elle a poussé là, sans aucun doute. De quelle graine ou de quel réseau souterrain a-t-elle été fécondée ? Pourquoi ici et pas ailleurs ? Simplement à cause de la lumière. C’est à cet endroit et à cet endroit seul que le soleil éclaire à cet instant précis pour la mettre en valeur. Comme un arc-en-ciel, on ne peut en profiter que quelques minutes, c’est ça qui est magique.   

Ils vivent en colonie, ensemble malgré leurs différences. Certains sont grands et d’autres larges. Il en existe des verts des rouges, des jaunes, des remarquables et des ordinaires. Ils vivent de l’air, de la terre, de la lumière et du chant des oiseaux. Ils transforment, abritent et réchauffent. Ils se donnent, s’offrent à tous les usages. Ils sont comme ça les arbres : généreux, puissants et indispensables. Ils sont la vie et sa raison d’être.  L’arbre, le bois, existe dans toutes les expressions de la vie : la chance, l’ivresse ou l’entêtement. On me trouve partout. Si tu m’attends au coin du bois, je te montrerai de quel bois je me chauffe et si tu crois que je suis de celui dont on fait des flûtes, tu recevras une bonne volée de bois vert, tiens ! croix de bois, croix de fer, si je mens…

Curieuse histoire de voisinage en vérité. Sans être borgne et bossu il avait reçu à la naissance de très fortes disgrâces. Elle, en était gênée en le regardant, ce qu’elle évitait de faire. Mais le pauvre, conscient de son anormalité souffrait en silence d’un puissant amour impossible. Il pleurait toutes les larmes de son corps du matin au soir, implorait le ciel, les dieux, diable, de le rendre séduisant aux yeux de sa voisine. Il se plaquait au mur de sa chambre les bras tendus vers des divinités imaginaires et récitait les mêmes litanies ; des prières pour que les murs l’entendent. Laissez-moi la rejoindre. Laissez-moi lui plaire. Laissez-moi vivre avec elle… Et puis, imperceptiblement, les murs se laissèrent convaincre et commencèrent à pencher pour rejoindre la belle. L’histoire ne raconte pas la suite, mais la légende reste. Bien visible. L’amour est puissant (mais souvent impossible).

Je suis indécise. J’étais pourtant sûre d’avoir pris la bonne direction. Puis, arrivée à mi parcours, j’ai du me raviser. En effet, les promesses que l’on m’avait faites n’étaient pas tenues. Le virage fut brutal, j’ai même cru perdre mes repères et mes racines pendant de longues années. La vie aidant, les rencontres et les partages m’ont aidé à redresser la tête et à me tenir à nouveau droite, fière. Les nuages qui assombrissaient mon environnement semblent à nouveau laisser place à la lumière. Comme un théâtre que l’on éclaire, les rideaux s’ouvrent sur la scène du ciel. Je me tends de toutes mes forces ; J’arrive !

Certains murs de ma ville sont malades. Leurs fenêtres et leurs portes sont lourds d’histoire et de vécu. Ils  ne se parlent plus, ne se répondent plus, ils se meurent dans l’indifférence… Ils sont victimes, comme les hommes, de l’administration, des procédures, des litiges et de l’argent. Mais les murs et les ouvertures n’y sont pour rien ; ils subissent, ils s’étouffent et pleurent sans que personne ne s’en rende compte. Savez vous qu’un mur est vivant ? Un mur ça protège, ça abrite, ça rassure. Sur un mur on peut accrocher des objets, des images ou faire des dessins. Un mur, on peut le percer, lui donner des coups de marteau, y planter des clous, il ne dira rien, jamais. Un mur c’est fort et solide.  Une fenêtre, une porte c’est accueillant, c’est vivant. Une ouverture apporte le vent, la fraîcheur ou le soleil, derrière une porte, on peut trouver des gens, un enfant, un parfum, un sourire. Les fenêtres sont coquettes et parfois coquines, elles s’habillent de rideaux, de stores, de lumière et de transparence. Tous les trois sont indissociables, une porte et une fenêtre sans mur, ça n’existe pas. Alors, par pitié prenez soin de vos murs ; ne les laissez pas mourir, ils sont si beaux !

La tristesse d’un jour de pluie. La courbure de la terre, voûtée sous le poids de la vigne gorgée de sève et d’eau. Le mélange de brume et de pluie au loin qui filtre la lumière ; les pessimistes diront qu’il la cache. La pluie aussi est belle, elle est rafraîchissante et vitale, elle est grise, blanche et noire, elle est la chevelure d’un ciel tourmenté et vieillissant.

Selon les saisons et le ciel qui la surplombe elle paraît accueillante ou inquiétante, froide ou lumineuse.  Le temps semble s'être figé tout autour. Les trois tours de la maison s'assemblent, s'unissent et se fondent en seul bâtiment, inoccupé aujourd'hui, mais dont on imagine volontiers la vie à l'époque. Ses murs ont vécu, ont pleuré si fort que l'on y voit encore des coulées de larmes ; c'est sans doute pour cela que l'on a creusé un puits.
Dedans, au fond il y a toutes les larmes de maison. Lorsque la pierre, les tuiles et le bois se mêlent à la végétation environnante, la magie du lieu favorise l'envol vers l'histoire, comme un point dans l'espace, seul vestige existant à cet endroit.
Le noir, le blanc et toute la palette des gris créent un monde de sensations, d'imaginaire, d'atmosphère si particulière. Témoignage de cette époque, deux des toitures de ce bâtiment ressemblent à s'y méprendre à deux mines de crayon bien taillées qui semblent dessiner les nuages au dessus d'elles, comme pour faire partie d'un dessin, d'une image, de ma photo.

Tout comme lui, on a ses propres racines. Multiples et solidement ancrées au sol pour certains, plus aériennes et mobiles pour d’autres. Il est important de savoir d’où l’on vient, quelles sont ses origines. Pourquoi l’arrière grand-oncle a-t-il changé de région, a-t-il voyagé par amour ou par contrainte ? A chaque fois que j’ai eu l’occasion de me rendre dans les endroits de mes « racines », j’ai éprouvé une grande frustration de ne pas savoir précisément ce qu’il s’était passé. Alors, l’absence a laissé place au rêve et je me suis construit une part de mon histoire.  Le plus important c’est d’en avoir une.

Rendez-vous mystérieux au pied d’une abbaye blanche qui surveille les étangs. L’eau est calme et brillante comme de l’argent fondu. Le vent berce les reflets du ciel, les berges s’y rafraîchissent, mes rêves naissent à l’instant où la nuit s’achève. Je suis heureux d’être seul et différent. J’ai quitté la cité, la ville et ses rumeurs agressives pour l’harmonie et l’émotion.

Extrait de « Émouvance »